Tous deux sont en disgrâce à Moscou et Khann a le sens du contact. Il est incarcéré trois mois puis extradé à Neuchâtel, écroué à Lausanne (2006) puis livré à la justice française. L’ancien commissaire fait amende honorable Tu vis dans l’attente : pour un parloir, un repas, la promenade, le téléphone... Encore que je ne faisais pas la queue à la cabine : j’étais le seul à l’utiliser. > Abonnez-vous à l’édition numérique (possibilité d’obtenir le numéro en cours immédiatement), > Abonnez-vous / achetez depuis Google Play, INSCRIVEZ-VOUS À NOTRE NEWLETTER POUR RECEVOIR CHAQUE SOIR LE MEILLEUR DE, Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir chaque soir le meilleur de Vanity Fair, Cyril Astruc, qui vient de passer quinze mois en prison, assure avoir changé durant sa détention : « J’ai pris un virage et je m’y tiens. Entre 2002 et 2003, il effectue des escroqueries à la TVA, vendant des dizaines de fois la même cargaison (voitures, téléphones, microprocesseurs, etc.) Avec l’argent amassé, l’ex-assureur ouvre une boîte de nuit sur la plage, le « X-site » (prononcez : « excite »). Ensuite, ils ont imposé la TVA sur ces opérations, afin que l’État touche son pourcentage sur le bénéfice de chaque transaction. » Ce jour-là, Astruc n’est pas interpellé et les enquêteurs repartent avec un maigre butin – au mieux, quelques documents. Entre novembre 2008 et juin 2009 a lieu la fraude à la TVA sur les quotas de carbone, lors de laquelle des escrocs profitent de dispositions réglementaires permettant à des entreprises d'échanger des « crédits à polluer » (celles polluant moins qu'un certain taux pouvant les revendre à d'autres), notamment en trichant de pays en pays avec la TVA, ce qui aurait coûté 1 milliard d'euros à la France et 4 milliards à l'Union européenne. Ses performances ne vont pas s’arrêter là. L’avant-veille, il a interrompu ses achats dans les boutiques dorées de l’avenue Montaigne pour s’attabler à la terrasse d’un café. Il a étudié les plans, lancé des travaux et fait dissimuler l’entrée au premier sous-sol derrière un mur factice : un code débloquait une porte qui ouvrait sur un corridor d’une trentaine de mètres – « Et là, raconte-t-il, tu ressortais par le garage, tranquille. Les policiers sont venus me demander : “Dites, c’est à vous les Philippines qui sont cachées dans les enceintes du home cinéma ?” », La perquisition dure dix heures. » Il ajuste le col de sa chemise : « Les procédures sont longues mais elles aboutissent toujours. En principe, c’est plutôt des portables ou du cannabis. Pour un rien, il est convoqué au commissariat, interrogé durant des heures. Il reçoit pourtant la visite de ses anciens commanditaires parisiens qui le menacent. L’un des acteurs de cette arnaque, Cyril Astruc, avait fui la France, alors qu’il venait de sortir de prison et qu’il devait encore purger trois ans en conditionnelle en 2007. Il découvre un autre monde, où les gamins jouent au foot en Weston, « les doudounes Chevignon jetées par terre pour faire les buts ». En France, on va m’envoyer en prison, mais si je n’y vais pas maintenant, je n’aurai jamais le courage plus tard. Bon élève, il traîne cependant avec des caïds des cités voisines, ce qui pousse ses parents à l'inscrire dans un lycée juif de Boulogne-Billancourt (1988-1991), où il découvre un monde plus aisé. On le présente comme « le prince du CO2 », le cerveau de l’escroquerie à la taxe carbone, cet incroyable tour de bonneteau qui a coûté près de 2 milliards d’euros à l’État français en moins d’un an, entre novembre 2008 et juin 2009, et au moins quatre fois plus à l’Union européenne. Après la bar mitzvah de son fils, la presse israélienne affirme qu’il a fait venir les Black Eyed Peas pour animer la soirée. J’étais vraiment mal. Le business avec l’Indien tourne à plein régime : « À cette époque, je gagnais jusqu’à 600 000 euros par jour », énonce-t-il sans la moindre emphase. Après, les militants du FN venaient les arracher. C’était pour m’apprendre à me tenir, pas parce qu’il était radin. On s’en fiche un peu, non ? En retour, l’argent aurait abondé un fonds de développement des infrastructures, moyennant un pourcentage pour lui – « On n’est pas des philanthropes. De cette première entrevue, Astruc ne dévoile rien, sinon qu’Amir est devenu aussitôt un ami et un protecteur. Parmi les rares moments de magie, il retient les sorties au centre équestre de Bonnières-sur-Seine, dans l’Eure, grâce à une association d’aide aux gamins défavorisés. Ou à cet escroc international, Cyril Astruc, se disant « rangé », mais dont les réponses ont arraché des sourires aux magistrats et au public. Il gagne alors jusqu'à 600 000 euros par jour déclare-t-il. Après le déjeuner, on est passé devant un hôtel qui lui a plu : il est entré et en quelques minutes, il l’a acheté. Il a deux sœurs aînées. Mais à cette place, il peut « découvrir le système de l’intérieur ». Ils retournent les matelas, fouillent les penderies, vident les albums photos. – Durant votre exil israélien, comment tournaient vos affaires ? Ils s’offrent de splendides villas en bord de mer, bronzent sans crème solaire, claquent des fortunes dans les clubs de strip-tease. Au pays des stars, Alex Khann a les moyens de se faire une place. Il n’a pour lui que son culot et quelques relations louches. D'ordinaire très discret sur sa vie privée, Cyril Féraud n'a pas souhaité en dire plus sur le sujet. Ancien chef de la police judiciaire de Nice, ce flic chevronné a travaillé sur une cinquantaine de dossiers, dont la majorité liée aux escroqueries à la TVA sur la taxe carbone. Ils ne cherchaient pas à me monter des trucs foireux pour me prendre un billet ; avec eux, on ne parlait jamais affaires. Je ne peux pas vous dire pourquoi mais il m’a tout de suite fait confiance. D’autant plus que la justice se rapproche : l’affaire de 2001 lui a valu une première condamnation à trois ans de prison, dont il a fait appel. Respectez svp la Souffrance de Cyril Astruc et de ses joyeux compagnons d’infortune, qui ont beaucoup souffert pour en arriver là, c’est pas de leur faute. « Rien de fantastique, assure-t-il d’un ton blasé, presque habitué à ce genre de visites. Mais voyant ses commanditaires jalouser son entreprise outre-Manche et craignant que sa première condamnation judiciaire devienne effective, il s'exile avec sa femme et ses enfants en 2003 à Eilat (Israël). À l’intérieur, une clientèle de millionnaires de l’Est et de beautés pas si froides se trémousse sur le dancefloor. Il assure ne s’être intéressé au système des « droits à polluer » que pour le mécanisme financier. « C’était croustillant et plus sympathique. Ce n'est pas la première fois que ce jet-setteur de 46 ans, plus doué pour la fête que pour les études (et qui fut un temps l'"indic" d'un groupe de la brigade des stups), défraie la chronique judiciaire. Ils ont pensé que je les aiderais à le faire tomber, volontairement ou non. », Dans ses moments d’introspection, l’ancien assureur confesse qu’il a appris à mesurer, Abonnez-vous à l’édition numérique (possibilité d’obtenir le numéro en cours immédiatement), Abonnez-vous / achetez depuis Google Play. Mais le Paris de la « tève » est un village. Une écoute téléphonique l’a surpris alors qu’un jeune malfrat lui proposait de récupérer sa fiche Interpol, obtenue grâce à Neyret. Le passé d’Astruc plaide pour la seconde option. « Désolé, s’excuse-t-il. Sa villa d’Herzliya, banlieue huppée de Tel-Aviv, était déjà agrémentée d’un terrain de tennis, d’une piscine à débordement et d’une salle de sport high-tech. Le même appartement loué à Mandelieu, près de Cannes, l’expédition rituelle à Vintimille, sur la frontière italienne, pour acheter la bouteille d’anisette « un franc moins cher ». Il a la réputation de régler ses comptes en plaçant des explosifs sous les voitures de ses ennemis. « J’en ai assez, explique-t-il. Saisi par un tribunal du canton de Vaud, un juge californien l’expédie au centre de détention de Los Angeles. « J’ai été poli, rien de plus, plaide Astruc. Cyril Astruc considère qu'il s'agissait d'un prétexte trouvé par la police israélienne pour qu'il lâche son ami Amir Mulner. Il dort nu, « comme toujours », lorsque des bruits de pas le réveillent. Comme la loi israélienne l’autorise pour les nouveaux arrivants, Cyril et Valérie Astruc changent d’identité. En France, les dossiers qui l’accusent paraissent bien minces au regard de sa réputation. Petit prince des escroqueries financières, l'ancien gamin de Mantes-la-Jolie est soupçonné dans ce dossier d'avoir participé au détournement de près … Si la justice s’en mêle, tant pis pour lui. En 2005, il déménage à Los Angeles avec sa famille dans l'ancienne villa de Charlie Chaplin, menant une vie mondaine et poursuivant toujours son travail avec l'Indien de Londres. Il acquiert trois boutiques sur Kikar Hamédina, la place Vendôme locale, et devient l’importateur exclusif de marques de luxe comme Brioni, Tom Ford ou Zilli, avec des sacs en croco comme le sien à 100 000 euros pièce. « Je savais que les Indiens tenaient le business de la TVA en Angleterre. D'abord simple agent à Champigny à partir de 1994, il évolue professionnellement rapidement, se spécialisant dans les complémentaires santé et monte son propre cabinet à Paris à l'âge de 22 ans, se mariant la même année[2]. Il m’a fait comprendre une règle : ceux qui en veulent à ton argent ne vont pas te tuer. J’ai eu l’impression d’être traité comme un terroriste. » Au début du mois de décembre, il réunit sa femme, Valérie, et leurs deux aînés, Naomi et Zachary, pour les prévenir qu’il va rentrer à Paris. Lui en voit une : « La police m’a mis la pression pour que je lâche Mulner, les services intérieurs m’ont demandé de déposer contre lui pour monter un dossier. À l’inverse de tant de ses congénères, Astruc ne tient pas à être considéré comme le cerveau d’un casse monumental. Le principal est de susciter les convoitises. » À nouveau, il se sent épié, harcelé. Il suffisait de convaincre des présidents africains de signer des engagements contre le déboisement massif, ce qui ne leur coûtait pas grand-chose ; puis de trouver des industriels européens pour financer ces opérations. Pour voir l'infographie, cliquez sur la photo. C’est plus facile que de chasser ses angoisses. Motif de ce qu’il appelle un « traitement de faveur » : on a découvert dans sa cellule un pot de crème hydratante La Prairie aux éclats de caviar – la direction de l’établissement ne partageait pas son sens de l’esthétique ni son goût de la dérision. Quand la comédie tourne au thriller, son insoutenable légèreté le fuit. Deux ans après son arrivée, il quitte Eilat pour s’installer à Los Angeles. Il déclare a posteriori avoir alors tout perdu mais que cela l'a motivé pour rebondir et se venger[2]. « C’est de lui que Gad s’est inspiré pour créer le personnage de Coco », assure aujourd’hui Astruc, en référence au sketch du producteur bling-bling qui ne sait pas quelle folie inventer pour dépenser son argent. Astruc aussi. Ce métier est taillé pour lui. Résultat : les fraudeurs ont multiplié les allers-retours sur le marché et n’ont rien reversé du tout. C’est pour moi !” Moi aussi, j’ai pensé que les tireurs me cherchaient. On célèbre des stars de la pop moscovite ; on se déguise en marquis et en comtesses ; on s’oublie jusqu’à l’aube dans le caviar et la vodka. ». À l’écouter, jamais Cyril Astruc ne serait devenu un cador dans sa partie sans cet associé providentiel. Ses parents, Juifs rapatriés d’Algérie, s’y sont installés en 1962 parce qu’une tante de Constantine avait trouvé un emploi à la poste des Mureaux, à 20 kilomètres de là. « Un moment, je ne sais pas pourquoi, ils sont restés bloqués devant une bouteille de vodka à 2 000 euros », relève-t-il. Astruc se souvient l’avoir aperçu « une fois ou deux sur Bograshov », une rue animée du centre de Tel-Aviv. – Vous n’avez rien gagné dans le CO2, vraiment ? Le temps joue en notre faveur. Astruc et ses amis sont trop bruyants. Ils te mettent la pression parce que c’est leur boulot. J’ai tout perdu. Il ne voit pas d’issue. Des amis rencontrés en prison le recommandent à deux équipes spécialisées dans la téléphonie, qu’il met en relation l’une avec l’autre : d’un côté, des escrocs en cols blancs établis dans de luxueux bureaux avenue George-V ; de l’autre, de jeunes caïds de banlieue qui se chargent du transport. L'un des acteurs de cette arnaque, Cyril Astruc, … Quand elle lui rendait visite, un motard la conduisait. » À nouveau, la providence lui offre une rencontre décisive. L’envie de monter à cheval lui revient ? Le pays est trop petit pour y mener la grande vie. » À 28 ans, il se retrouve à la Santé. Gilbert Chikli et sa femme Shirly Chikli, en 2016 chez eux à Ashdod en Israel © AP Photo / Oded Balilty L’arnaque : appelé l’escroquerie des “faux présidents”, elle consiste à se faire passer au téléphone pour le Président d’une grande entreprise et demander à ses employés une remise d’argent. Pourquoi pas un tunnel ? Après la mort d'un des contacts et une affaire qui rate, il devient gérant de paille pour l'une des sociétés-écrans servant à détourner la TVA. Parfois, raconte à présent le commissaire, il fallait tout reprendre à zéro à cause d’un acte mal traduit ou parce qu’un avocat madré avait soulevé une cause de nullité. Il partage avec eux le goût des montres et des voitures hors de prix, et désormais l’obsession de la discrétion. Ses parents sont des juifs rapatriés d'Algérie qui s'installent en 1962 à Mantes-la-Ville, une banlieue populaire des Yvelines, une tante y vivant déjà. Chaque entreprise dont l’activité peut avoir un effet direct sur la qualité de l’air dispose d’un quota annuel de rejet de CO2. À la maison, on est « de gauche » et ça ne se discute pas. Au bout du compte, j’ai perdu 300 000 euros de faux frais dans cette histoire. Dans les derniers jours de 2003, il fuit en Israël avec femme et enfants. Trois membres présumés du milieu lyonnais, Gilles Benichou, son cousin Stéphane Alzraa et Cyril Astruc seront également jugés, ainsi qu'un avocat, David Metaxas. Thread sur Cyril Astruc le plus grand escroc français, il aurait détourné environ 500 millions d'euros à l'état français. C’est à ce moment-là que je me suis dit que j’allais me venger et gagner beaucoup d’argent. Il fréquente désormais des Russes, oligarques de préférence, comme Michael Cherney (prononcez « Tchernoï ») et Boris Berezovsky : le premier est l’ancien propriétaire de Rusal, géant de l’aluminium dans l’ex-URSS ; le second, retrouvé mort à Londres en 2013 dans des circonstances troubles, a détenu la compagnie Aeroflot et la chaîne de télévision ORT (Forbes évaluait sa fortune à 3 milliards de dollars en 1997). Lui biaise avec un argument désarmant : « C’était trop facile ; n’importe qui pouvait y arriver. ». Je n’en suis pas revenu. Il décrit la scène en faisant mine de se cacher sous une table : « Berezovksy hurlait : “C’est Poutine ! « Mes amis russes étaient comme moi : riches et coincés en Israël, explique-t-il. Même pas peur : Il ne reste que six semaines en détention, mais c’est un autre homme qui ressort. Dès la fin des années 1990, il commence à compter des personnalités sulfureuses parmi ses clients, riches marchands du Sentier et anciens de la French Connection. « Pas seulement pour nous mettre en concurrence mais pour être sûr de recevoir une visite par jour quand il était en détention », nous a précisé l’un d’entre eux, amusé. Tu peux penser mais c’est douloureux. » Le reste du temps, il tient les murs de son quartier, les Belles Lances. À sa sortie en 2007, il rejoint Israël, près de Tel-Aviv, où sa famille est retournée en son absence. Ils deviennent Alex et Yaël Khann (orthographié à la pakistanaise).
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